Colloque

Andreï Zviaguintsev

Du 12 au 13 mai 2023 à l'Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
& au Cinéma L’Écran de Saint-Denis

Andreï Zviaguintsev est l’un des plus importants cinéastes contemporains russes, loué dans le monde entier, mais fortement contesté au sein de son propre pays. Sa carrière débute en 2003 avec son premier long métrage Le Retour (Vozvrachtchenie) qui obtient le Lion d’Or à Venise. La suite de son parcours cinématographique confirmera l’importance de ce cinéaste dans le paysage cinématographique russe contemporain avec des films tels que Elena (2011), Leviathan (Leviafan, 2014) et Faute d’amour (Nelubov, 2017). Ces trois films portent un regard aigu et critique sur la société russe, sur la violence des rapports sociaux (Elena), la corruption et la collusion entre les organes étatiques et l’église orthodoxe (Leviathan) et une société traversée par une violence souterraine (Faute d’amour). La sortie de Leviathan provoque un fort émoi en Russie, et suite aux déclarations du ministre de la Culture Vladimir Medinski, qui considère qu’il est inacceptable que le ministère finance des films aussi critiques envers la Russie, le cinéaste ne travaillera qu’avec des fonds privés ou étrangers. Depuis 2014, il dénonce les actions meurtrières de son pays envers l’Ukraine et l’annexion de la Crimée par la Russie, évoquée dans le final glaçant de son film Faute d’amour. Depuis février 2022, il a affiché sans concession son opposition au pouvoir de Vladimir Poutine.

Sur le plan esthétique, Andreï Zviaguintsev apporte un soin extrêmement minutieux et précis à ses cadrages tout comme aux mouvements de caméra qui suivent les déplacements des protagonistes. Il travaille de manière magistrale la relation champ – hors champ, le cadre se vidant souvent de ses personnages afin de donner aux spectateurs le sentiment d’être face à une énigme dont ils doivent eux-mêmes trouver la clé. Il semble porter en lui l’héritage de l’un des plus grands cinéastes de la modernité, Roberto Rossellini, qui a posé « le vide comme mode d’approche ontologique du réel ». D’ailleurs, en adéquation avec cette forme stylistique si particulière, plusieurs de ses films traitent de la question de l’absent que l’on recherche et qui laisse un immense vide dans de vastes paysages glacés (comme le père « avalé » par le paysage dans Le Retour, l’enfant qui ne viendra pas au monde dans Bannissement et celui qui disparaît dans Faute d’amour, ou encore la femme du personnage principal, Nikolaï, dans Léviathan). Cinéaste du nondit (« Le non-dit est la langue du cinéma » affirme-t-il) et de l’ellipse, il opte également dans la structuration de ses films pour des formes circulaires, sur le modèle de la ronde.

Cette oeuvre d’une grande cohérence thématique et esthétique a bénéficié d’une belle couverture dans la presse internationale, mais n’a fait l’objet que de rares approches et analyses universitaires. Si certains films ont été étudiés par des chercheurs, et que des documents de travail sont désormais disponibles à l’analyse comme une des versions du scénario d’Elena et le journal de tournage du film ou encore une analyse de la fabrique de Leviathan plan par plan par le cinéaste, néanmoins une approche complète et transversale, tenant compte des perspectives nouvelles ouvertes par les bouleversements géopolitiques que connaît aujourd’hui la région, reste encore à construire. C’est l’objectif de ce colloque qui sera la première manifestation scientifique internationale dédiée à l’œuvre d’Andreï Zviaguintsev.

Vendredi 12 mai

13h-18h

Rencontre d’Andreï Zviaguintsev avec les étudiants du master Cinéma Création & Réalisation de Paris 8 et le cinéaste (interprétariat assuré par Eugénie Zvonkine)

Samedi 13 mai

9h

Accueil du public

9h30

Mot d’introduction des organisateurs

9h45

Le cinéma d’un monde épuisé

Discutant : Mathieu Lericq (Université Paris 8)
Birgit Beumers (Université de Passau, Allemagne) : « Hiatus et manques dans les films de Zviaguintsev »
Daria Ezerova (University of Cambridge, Grande-Bretagne) : « A Gloom of One’s Own: Andrei Zvyagintsev’s Leviathan (2014) »
Macha Ovtchinnikova (Université de Strasbourg) : « Épuisement du visible et révélation de la matière : la durée du plan chez Andreï Zviaguintsev »

11h45

Pause-café

11h45

La silhouette humaine

Discutant : Erwann Berthelot (Université Paris Nanterre)
Damien Marguet (Université Paris 8) : « Humain, trop humain : figures de l’anthropocène dans le cinéma d’Andreï Zviaguintsev »
Céline Gailleurd (Université Paris 8) : « Enfances et adolescences abîmées dans le cinéma de Zviaguintsev »
Mathieu Lericq (Université Paris 8) : « Construction et déconstruction des masculinités adolescentes dans le cinéma post-soviétique (Pavel Lounguine, Andreï Zviaguintsev, Kirill Serebrennikov) »

12h45

Pause-déjeuner

14h

Un regard intransigeant

Discutante : Eugénie Zvonkine (Université Paris 8, IUF)
Stanislas de Courville (Université Paris 8) : « « Russie, où cours-tu ainsi ? » Du Retour à Faute d’amour, itinéraire d’une nation sans avenir. »
Nancy Condee (University of Pittsburgh, États-Unis) : « Culture Becalmed: Andrei Zviagintsev between ‘World culture’ and ‘decolonization’ »

15h

Pratiques et réception

Discutant : Stanislas de Courville (Université Paris 8)
Joël Chapron (Traducteur d’Andreï Zviaguintsev, chercheur indépendant) : « La diffusion et la réception des films de Zviaguintsev en France »
Eugénie Zvonkine (Université Paris 8, IUF) : « Les écritures d’Andreï Zviaguintsev »

16h

Pause-café

16h30

Projection de Andreï Zviaguintsev au travail
Un montage inédit à partir des images de tournage (conception & montage Veronika Tyron, Andreï Zviaguintsev, Eugénie Zvonkine)

18h

Discussion avec Andreï Zviaguintsev à partir de la projection

20h

Présentation & débat avec le cinéaste de Léviathan au cinéma L’Écran de Saint-Denis

14, passage de l’Aqueduc, 93200 Saint-Denis
Métro St Denis-Basilique, ligne 13

Comité d’organisation : Céline Gailleurd, Damien Marguet, Eugénie Zvonkine

Birgit Beumers (Université de Passau, Allemagne) : « Hiatus et manques dans les films de Zviaguintsev ».

Birgit Beumers is Professor emeritus in Film Studies, Aberystwyth University (UK) and affiliated with the University of Passau (Germany). Previously, she has taught in Russian Studies at Cambridge and Bristol universities. She specialises in Russian culture, cinema and theatre, and the cinemas of the former Soviet territories, especially Central Asia. She has published widely on Russian and Central Asian cinema, including A History of Russian Cinema (2009), Performing Violence (with Mark Lipovetsky, 2009), Aleksandr Sokurov: Russian Ark (2016); she has (co-)edited A Companion to Russian Cinema (2016); Cinema in Central Asia: Rewriting Cultural Histories (with Gulnara Abikeyeva, Michael Rouland, 2013); Ruptures and Continuities in Soviet/Russian Cinema (with Eugénie Zvonkine, 2018); Cultural Forms of Protest in Russia (with Alexander Etkind, Olga Gurova, Sanna Turoma, 2018). She is series editor of KINO (Bloomsbury) and KinoSputniks (intellect), and editor-in-chief of the journals KinoKultura (online) and Studies in Russian and Soviet Cinema (Taylor & Francis).

Macha Ovtchinnikova (Université de Strasbourg) : « Épuisement du visible et révélation de la matière : la durée du plan chez Andreï Zviaguintsev »

Macha Ovtchinnikova est maîtresse de conférences en histoire et esthétique du cinéma contemporain à l’Université de Strasbourg. Diplômée de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, sa thèse portait sur la notion de kinoobraz (figure cinématographique) dans le cinéma d’Andreï Tarkovski, Andreï Zviaguintsev et Kira Mouratova. Elle continue ses recherches en histoire et esthétique du cinéma soviétique, russe et israélien, publiées dans des revues et ouvrages collectifs. Elle a publié l’ouvrage La révélation du temps par les figures sonores dans les films d’Andreï Tarkovski et d’Andreï Zviaguintsev en 2014 et a co-dirigé le numéro 7 de la revue Tétrade « Andreï Tarkovski : nouvelles perspectives comparatives ». Son prochain livre Formes et expériences temporelles dans les films de Kira Mouratova, Andreï Tarkovski et Andreï Zviaguintsev paraîtra chez Mimésis fin 2023. Parallèlement à son activité de chercheuse, Macha est également scénariste et réalisatrice. 

Damien Marguet (Université Paris 8) : « Humain, trop humain : figures de l’anthropocène dans le cinéma d’Andreï Zviaguintsev »

Damien Marguet est maître de conférences au département Cinéma de l’université Paris 8 dont il est également le co-directeur. Il est membre du laboratoire ESTCA, cinéaste et programmateur. Il a consacré sa thèse de doctorat aux poétiques du traduire dans les œuvres de Pier Paolo Pasolini, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, et Béla Tarr. Membre du groupe de recherche « Théâtres de la mémoire », ses travaux portent sur les cinémas d’Europe de l’Est et plus spécifiquement le cinéma hongrois ; les relations entre cinéma, littérature, langue et traduction ; le cinéma et l’écologie ; les problématiques de la durée, du geste et de l’expérience dans le champ des images en mouvement. Il est le co-auteur de Béla Tarr. Les Métamorphoses d’un visionnaire (Carlotta Films, 2022) et il a co-dirigé l’ouvrage Sergueï Loznitsa. Un cinéma à l’épreuve du monde (Presses du Septentrion, 2022). Auteur de plusieurs films expérimentaux, membre du Collectif Jeune Cinéma et du Labo K, il fait également partie du comité éditorial de la revue Passés Futurs.

Céline Gailleurd (Université Paris 8) : « Enfances et adolescences abîmées dans le cinéma de Zviaguintsev »

Céline Gailleurd est maîtresse de conférences en cinéma à l’Université Paris 8. Membre de l’ESTCA, ses contributions portent autant sur l’étude iconographique de motifs que sur les relations entre le cinéma et les arts visuels à travers les œuvres de Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Pier Paolo Pasolini ou encore l’adolescence au cinéma. Elle vient de diriger l’ouvrage Le cinéma muet italien à la croisée des arts (ArTeC/Les presses du réel, 2022), traduit en italien, et de codirigé Sergueï Loznitsa, un cinéma à l’épreuve du monde (Presses Universitaires du Septentrion, 2022). Impliquée dans le domaine de la recherche-création, elle coréalise avec Olivier Bohler des films sur la question de l’archive et la mémoire (Jean-Luc Godard le désordre exposé, Edgar Morin chronique d’un regard) ou des courts métrages de fiction. Leur dernier documentaire Italia, Le Feu, La Cendre (2022) a obtenu le Prix Flat Parioli du Meilleur film à la 39e édition du Torino Film Festival.

Mathieu Lericq (Université Paris 8) : « Construction et déconstruction des masculinités adolescentes dans le cinéma post-soviétique (Pavel Lounguine, Andreï Zviaguintsev, Kirill Serebrennikov) »

Mathieu Lericq est docteur en études cinématographiques, lauréat d’un Prix de thèse décerné par Aix-Marseille Université en 2019. Il est spécialiste des cinématographies d’Europe centrale et orientale. Il a publié une dizaine d’articles scientifiques et a organisé plusieurs colloques internationaux, dont le dernier avec Damien Marguet consacré au cinéaste hongrois Béla Tarr (dont les actes sont actuellement en cours de publication). Ses travaux de recherche abordent essentiellement trois champs distincts : la valeur politique des corps filmés, la figuration du désir homosexuel dans le cinéma (centre-)européen, et la mémoire des populations marginalisés dans le cinéma documentaire (en particulier les Juifs et les Roms). Il est actuellement ATER à l’Université Paris 8 (ESTCA). Il travaille parallèlement comme critique et comme programmateur (Cinémathèque du documentaire, Institut Liszt, Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme).

Stanislas de Courville (Université Paris 8) : « « Russie, où cours-tu ainsi ? » Du Retour à Faute d’amour, itinéraire d’une nation sans avenir. »

Stanislas de Courville est docteur en philosophie (Université Lyon 3). Après avoir enseigné l’esthétique à Lyon 3 et Aix-Marseille, et occupé la fonction d’ingénieur de recherche au département « Humanisme numérique » du Collège des Bernardins, il est désormais ATER en études cinématographiques auprès de l’Université Paris 8. Il est également membre du comité de pilotage du Groupe permanent de recherche « Vivre parmi les écrans » et membre associé de l’Institut de Recherches Philosophiques de Lyon. Il prépare présentement la publication d’un ouvrage collectif, en codirection avec Marie Rebecchi et Jacopo Bodini, intitulé Cinéma du corps, cinéma du cerveau. Deleuze, continuités et ruptures, à paraître fin 2023 chez Mimésis.

Nancy Condee (University of Pittsburgh, États-Unis) : « Culture Becalmed: Andrei Zviagintsev between ‘World culture’ and ‘decolonization’ »

Nancy Condee (University of Pittsburgh) is a member of the senior faculty in the Slavic department and the Film & Media Studies Program.  Her work has appeared in New Left Review, Washington Post, The Nation, as well as Iskusstvo kino, Seans, Znamia, Voprosy literatury, Novaia gazeta, Pro et contra, and other Russian periodicals. Her volume Imperial Trace: Recent Russian Cinema (Oxford) was award prizes from the Society for Cinema & Media Studies (SCMS) and Modern Language Association (MLA). Jury membership has included Kinotavr (Sochi), Listopad (Minsk), Russian Film Week (London), RusDoc (New York), Golden Arch (Moscow), and Cheboksary IFF (Russia). Recent work includes two editions (both with Alexander and Elena Prokhorov): Cinemasaurus: Russian Film in Contemporary Context Cinemasaurus: Russian Film in Contemporary Context — Academic Studies Press and Putin ~ Culture Putin ~ Culture: Critical Quarterly: Vol 63, No 3 (wiley.com), a special issue of the British journal Critical Quarterly on contemporary Russian culture before February 2022.

Joël Chapron (Traducteur d’Andreï Zviaguintsev, chercheur indépendant) : « La diffusion et la réception des films de Zviaguintsev en France »

Lexicographe aux Dictionnaires Le Robert, il devient spécialiste des cinématographies d’Europe de l’Est et est responsable de cette zone à Unifrance de 1995 à 2022. Interprète et traducteur de russe, il a sous-titré plus de 120 films, collaboré à plusieurs coproductions franco-russes, écrit de nombreux articles (Le Monde, Le Film français, Les Cahiers du cinéma, Positif…), donné des conférences en France et à l’étranger, réalisé des bonus DVD, écrit des ouvrages publiés en France (L’Exploitation cinématographique en France avec Priscilla Gessati, Moscou et Saint-Pétersbourg mis en scènes avec Christel Vergeade) et en Russie et participé à des ouvrages collectifs (Dictionnaire mondial du cinéma ; Cinéma russe contemporain, (r)évolutions ; 25 ans de cinéma français à l’étranger ; Les Arts russes et soviétiques en France au xxe siècle : exporter l’image de soi). Correspondant étranger du Festival de Cannes depuis près de trente ans, professeur associé à l’université d’Avignon (2009-2016), il y est actuellement chercheur associé. Joël Chapron est fait Officier des Arts et des Lettres en 2021.

Eugénie Zvonkine (Université Paris 8, IUF) : « Les écritures d’Andreï Zviaguintsev »

Eugénie Zvonkine est professeure au département d’études cinématographiques de l’Université Paris 8. Elle écrit sur l’histoire et l’esthétique du cinéma soviétique et post-soviétique des années 1960 à nos jours. Elle a publié trois monographies sur le cinéma soviétique et post-soviétique : Kira Mouratova : un cinéma de la dissonance (Lausanne : L’Âge d’Homme, 2012), Regardez attentivement les rêves de Kira Mouratova et Vladimir Zouev. Un scénario sans film (L’Harmattan, coll. Le Parti pris du cinéma, 2019), Il est difficile d’être un dieu d’Arkadi et Boris Strougatski et Alexeï Guerman. Le scénario interdit (L’Harmattan, coll. Le Parti pris du cinéma, 2019). Elle a également (co)édité les ouvrages collectifs Cinéma russe contemporain, (r)évolutions (Lille : Presses universitaires du Septentrion, 2017), Ruptures and Continuities in Soviet/Russian Cinema: Styles, Characters and Genres Before and afyer the Collapse of the USSR avec Birgit Beumers (Routledge, 2018) et Sergueï Loznitsa, un cinéma à l’épreuve du monde avec Céline Gailleurd et Damien Marguet (Lille : Presses universitaires du Septentrion, 2022), ainsi que un numéro d’une revue de recherche In and Out of the Museum, New Destinations of the Moving Image avec Luisa Santos, novembre 2021, numéro 4 de la revue Garage, Studies in Art, Museums and Culture. Elle fait partie du comité de rédaction de Studies in Russian and Soviet Cinema et écrit en tant que critique pour Positif. Depuis octobre 2021, elle est membre junior de l’Institut universitaire français (IUF) pour 5 ans.